La semaine dernière, Emmanuel Macron a nommé le Premier ministre après plus de 50 jours d’une longue réflexion et a choisi, sans surprise, une figure de la droite conservatrice et de l’austérité.
Bien qu’il soit attendu, et à coup sûr prévu depuis plusieurs semaines, ce choix ne reflète en rien celui des Français au moment des législatives anticipées du 7 juillet.
Le peuple souhaitait une cohabitation, il aura une colocation. Les socialistes censureront évidemment le futur gouvernement.
Désormais, deux batailles nous font face. D’abord celle contre l’extrême-droite, qui doit toujours nous préoccuper tant ses idées progressent dans l’opinion. Ensuite, celle contre le gouvernement Barnier, dont la stabilité dépendra de la bienveillance de l’extrême-droite, et qui sera prisonnier de ses thèses et de ses envies. Le macronisme a fait du RN la minorité de sa grande majorité, comme le pendu aurait tissé sa corde.
Certains, en véritables « idiots utiles » du macronisme, laissent entendre que la gauche, et en particulier le Parti socialiste, auraient une part de responsabilité dans la nomination d’un Premier ministre de droite. Leur raisonnement, répété à l’envi dans les médias, se veut implacable : « en ne défendant pas la candidature de Bernard Cazeneuve, qui aurait mené une politique de gauche, le Parti socialiste a permis à Emmanuel Macron de nommer Michel Barnier ». La belle affaire !
Reprenons dans l’ordre les éléments de ces analystes à courte vue :
Bernard Cazeneuve aurait-il pu être nommé ? De toute évidence oui, si Emmanuel Macron l’avait souhaité. On sait désormais que cette hypothèse a été écartée très vite par le chef de l’Etat, au profit d’un profil émanant de la droite. Il est ainsi fascinant d’observer la volonté qu’ont certaines et certains à gauche, de répondre à une question qui n’a jamais été posée.
Bernard Cazeneuve aurait-il pu mener une politique de gauche ? On aurait aimé le croire, mais les chiffres sont têtus. Considérant que le reste de la gauche écartait la possibilité d’un soutien au Président de la Convention, les 66 députés socialistes auraient été bien seuls dans cette « majorité » bancale, face aux 188 députés issus de Renaissance, du Modem, d’Horizons, de Liot… sans compter les 47 députés LR maîtres du jeu d’une éventuelle censure.
Le barycentre de cet attelage parlementaire aurait clairement penché à droite. Difficile alors d’envisager le détricotage de la réforme des retraites, l’abrogation de la loi immigration ou l’augmentation du SMIC… un programme de gauche en somme !
Bernard Cazeneuve aurait-il rassemblé la gauche ? Non, et c’est sans doute le plus grave, car il aurait eu les mains liées par un président qui n’aurait jamais appelé son camp à soutenir une politique de gauche. Pire, tout soutien hypothétique à Bernard Cazeneuve du PS aurait mis à terre le Nouveau Front Populaire, et éloigné le Parti socialiste d’un camp qu’il ne doit plus quitter, celui de la gauche.
Soyons sérieux un instant. Si le Parti socialiste avait une quelconque influence sur le Président pour nommer quelqu’un à Matignon, Lucie Castets serait aujourd’hui Première ministre.
Les socialistes peuvent, et doivent retrouver leur influence, pas dans les arrangements de couloir ou les bricolages de majorité législative, mais dans le débat public, la bataille des idées.
Nous avons une voix singulière à gauche, une voix qui nous a amenés au pouvoir à plusieurs reprises, en étant le point d’équilibre de la gauche, des humanistes, des progressistes et des réformateurs. Quelles que puissent être les unions de projet de la droite, il faut nous préparer à des élections législatives dans moins de 10 mois. Cela nous oblige : nous devons toujours mieux convaincre que la seule solution au poison de l’extrême-droite et au libéralisme économique de la droite, la seule voie à défendre est celle que nous avons proposée avec le NFP.
Cessons la politique fiction et reprenons pied dans la société et dans la réalité. Dans cette réalité, la droite est bel et bien de droite. À nous la gauche, d’être belle, et bien de gauche.